Conférence donnée par Marie-Andrée Bertin au cours d’un séminaire européen Grundtvig de formation de diffuseurs de l’Education Prénatale, à Bucarest en 2008.
L’Education prénatale naturelle n’est ni une idée, ni un concept d’un intellect humain. C’est une réalité naturelle qui émerge des recherches scientifiques et psychologiques pluridisciplinaires actuelles.
Elle rejoint d’ailleurs l’intuition profonde et millénaire des femmes et celle des hommes de plus en plus nombreux.
Cette réalité naturelle résulte de l’action conjuguée de trois facteurs essentiels :
- les processus de la grossesse.
- les matériaux et stimulations qui leur sont fournis pour accomplir leur travail.
- les potentialités de l’être prénatal : son capital génétique et la prodigieuse énergie qu’il va déployer pour assurer avec un maximum de sécurité, son développement physique et psychique.
Sur les processus en œuvre nous n’avons aucune prise. Ils sont intangibles, élaborés et réglés par la vie elle-même. Or, comme nous le savons, « on ne peut maîtriser la nature qu’en lui obéissant ». Il est donc nécessaire de connaître ces processus pour éviter de les entraver et favoriser au mieux leur accomplissement.
Par contre la qualité des éléments physiques et des stimulations sensorielles, affectives, mentales et spirituelles avec lesquelles ces processus vont travailler dépendent du vécu de la future mère. Celle-ci a donc besoin de la complicité du père, de l’aide de son entourage, de la compréhension et du soutien matériel et moral de la société tout entière.
Quant à l’étonnant dynamisme des puissances de vie œuvrant chez l’embryon et le fœtus quelques connaissances ont émergé qui nous émerveillent.
Enfin, nous verrons que tous les acteurs d’une éducation prénatale positive, ainsi que tous ceux qui en sont informés ou la diffusent, en reçoivent des bienfaits, car la connaissance de l’éducation prénatale est, par elle-même, transformatrice.
Les processus de la reproduction humaine sont mis en place et activés par la vie elle-même. Ils sont à la fois semblables, différents et complémentaires selon leurs deux pôles d’expression, féminin ou masculin, mais tous concourent à une genèse optimale d’un nouvel être humain.
Chez la femme – disons chez la grande majorité des femmes- le désir d’enfant est présent dès sa petite enfance et se précise lors de la rencontre amoureuse avec un partenaire stable.
Dès qu’une femme est enceinte – et avant même qu’elle le sache- s’active en elle une énergie procréatrice et maternelle- constitutive de l’unité bioénergétique de l’univers et de la nature féminine. C’est une force qui se perpétue dans toutes les femmes depuis les origines de l’humanité : elle a été célébrée par les cultures successives partout dans le monde.
Cette grande « mère psychobiologique » va, pendant 9 mois et plus, veiller à ce que la mère et l’enfant produisent chacun ce dont il aura besoin pour mener à bien ce projet de vie à deux.
Cette énergie maternelle universelle- qui peut d’ailleurs être exprimée par toute femme en dehors de la maternité- s’anime chez la femme qui porte la vie, la fait grandir, la soutient, la forge au cours de sa transformation de femme en mère. (Nous verrons plus loin comment agit cette énergie de vie sous forme masculine lors de la transformation d’un homme en père).
Un duo hormonal admirable s’établit entre l’enfant et sa mère.
Peu après la conception, le pré-embryon signale sa présence. Il produit le PAF (Platelets activating factors) qui favorise la multiplication, la croissance cellulaire et stimule les ovaires maternels. Ceux-ci répondent en secrétant l’EPF (Early Prégnancy Factors) qui protège l’enfant des réactions de rejet du système immunitaire de sa mère.
Trois jours après la fécondation, l’embryon envoie un autre signal la HCG (Gonadotrophine chorionique) qui stimule les ovaires maternels. Ceux-ci augmentent alors la sécrétion de la progestérone et des œstrogènes.
La progestérone empêche les contractions utérines.
Les œstrogènes (1) rendent les tissus maternels plus souples, plus enveloppants.
Quand l’enfant-morula, après avoir parcouru la trompe de Fallope arrive dans l’utérus, il est accueilli par un endomètre vascularisé et assoupli où il peut s’enraciner… se restaurer et continuer à croître grâce aux sucres fournis par une glycémie sensiblement accrue.
Ainsi, avant même qu’une femme sache qu’elle est enceinte, cette énergie maternelle universelle en elle, cette mère profonde en elle, aura reconnu la présence de l’enfant, l’aura accueilli, nourri, protégé.
Si la femme sait cela- si nous lui disons- elle se sent envahie par la sensation, par le sentiment grandiose de participer à l’aventure universelle de l’humanité. Elle n’est plus une personne isolée portant la responsabilité de former et mettre au monde un enfant. Elle se sent habitée et soutenue par une force immense qui laisse peu de place à l’angoisse et à la culpabilité. Elle connaît une formidable extension de conscience qui peut la transformer complètement.
Brazelton et Cramer, dans les « premiers liens » soulignent « une stupéfiante capacité de la femme à réorganiser sa vie pour le bien-être de son enfant ». La psychobiologie éclaire ce fait.
L’accueil psychobiologique de l’embryon, l’amour et l’intelligence qui l’accompagnent sont de nature à nous rassurer et à nous renforcer tous : quel que fût l’accueil réservé par nos parents réels, nous avons été reconnus, acceptés, guidés, nourris et protégés dès notre arrivée dans le sein maternel par la mère profonde.
C’est là, sans doute, un gisement thérapeutique à exploiter auprès de ceux qui ont du mal à s’accepter eux-mêmes ou qui restent captifs d’une violence aux racines enfouies.
Tout au long de la grossesse, un cocktail hormonal au taux élevé continue à jouer un rôle d’adaptateur physique et psychique de la mère à ses nouveaux besoins et à ceux de l’enfant.
La progestérone outre son effet inhibiteur sur les contractions utérines, ralentit le péristaltisme intestinal permettant une meilleure absorption des substances nutritives. Elle agit sur le centre nerveux de la respiration entraînant une oxygénation du sang de 20% supérieure. Elle développe les glandes mammaires. Elle induit chez la mère le besoin de ralentir le rythme de ses activités, de rechercher des moments de silence et d’intériorisation facilitant le contact avec l’enfant.
L’ocytocine (2) dite « hormone de l’amour » est produite par tout être humain dans les situations amoureuses, amicales et amplifie les comportements chaleureux. Pendant la grossesse elle est présente chez la mère 24h sur 24, ce qui créé un climat d’empathie profonde entre elle et son enfant.
Les œstrogènes rendent les tissus maternels plus souples. Ils inclinent la mère vers sa sphère émotionnelle, favorisant une bonne connexion de celle-ci avec celle de l’enfant à travers les neurones-miroirs de l’un et de l’autre.
Les endorphines, dites « hormones du bonheur » facilitent ces échanges, leur apportant une note de joie. Leur action renforce celle des œstrogènes, augmentant l’empathie mère-enfant. Il se produit chez la mère une sorte de régression à son propre état fœtal qui lui permet de mieux percevoir, interpréter les messages de son enfant et de leur répondre.
La prolactine (3) qui apparaît vers la 4em semaine prépare les glandes mammaires à la lactation et induit un sentiment maternel, en synergie avec les hormones précédemment citées.
Au cours du dernier mois, le taux d’ocytocine augmentera notablement rendant la mère plus irritable, souvent insomniaque désirant faire naître son enfant. Mais c’est lui qui déclenchera l’accouchement au moment le plus approprié, comme le décrit le Dr Imbert.
« C’est le fœtus qui est aux commandes. Il adresse à son système hormonal un message qui accélère la maturation pulmonaire et la synthèse par le placenta d’une hormone (la CHR, Corticotrophine Releasing Hormone) … qui met l’utérus dans le mouvement des premières contractions. » (4)
Chez la mère, dans une alternance contractions/relâchements, l’ocytocine provoque les contractions, les prostaglandines maintiennent la contractilité de l’utérus entre deux contractions, catécholamines et adrénaline donnent les forces physiques et morales pour faire face à l’évènement, alors que les endorphines créeront une analgésie naturelle et une détente.
Chez l’homme, la nature a également prévu des processus de transformation, de paternalisation.
Un fait biologique important et souvent ignoré est éclairé par la physique quantique. Celle-ci a découvert que si deux particules sont entrées en contact leur lien se perpétue dans le temps, quelle que soit la distance qui les sépare.
Il s’en suit que l’énergie du spermatozoïde fécondant communiquée à la cellule initiale de l’enfant reste en contact avec celle du père. Et les 26 paires de chromosomes qui se sont unies à celles de la mère seront répliquées dans toutes les cellules de l’enfant et demeurent aussi en contact avec le père. Un lien biologique et énergétique est bien réel entre le père et l’enfant.
Les cultures du passé l’ont ignoré… ou refusé. Elles éloignaient l’homme de la grossesse, faisant de celle-ci « une affaire de femme ».
D’autre part chez l’homme et tout au long de la gestation, des variations hormonales sont à l’œuvre. Si une bonne relation amoureuse existe dans le couple, elle s’étend peu à peu à l’enfant lorsque celui-ci révèle sa présence.
L’ocytocine est secrétée par le père, bien qu’à un taux moindre que chez la mère. Elle affine chez lui les composantes féminines de son affectivité : sa sensibilité, son intuition, sa capacité à entrer en contact emphatique avec sa compagne et leur enfant.
Le taux de testostérone s’abaisse, ce qui diminue la libido, l’agressivité sexuelle. Le taux de prolactine augmente, ce qui contribue à atténuer les besoins sexuels et à les transformer en tendresse et en comportements protecteurs.
Ce dont précisément sa compagne et son enfant ont besoin. « Si la mère porte l’enfant, il appartient au père de porter la mère et l’enfant » dit un proverbe chinois. Il est alors comme une seconde matrice biopsychique enveloppant la mère et l’enfant.
L’Education prénatale redonne à l’homme-père sa vraie place. C’est une nouvelle conquête pour lui-même, un apport considérable pour la mère et l’enfant.
Les transformations que la nature opère chez la femme devenant mère et chez l’homme devenant père ont pour but d’assurer la perpétuation de l’espèce et le meilleur accueil pour la formation optimale d’un nouvel être humain.
Mais il s’agit, en fait, d’une trilogie. Le troisième acteur, le plus actif, est « celui qui vient ».
Il passera par les états d’œuf initial, d’embryon et de fœtus. L’œuf formé par la fusion du spermatozoïde et de l’ovule est un concentré inimaginable d’informations. Il est porteur des gènes de l’espèce humaine et de la phylogénèse, c’est-à-dire de toute l’histoire de la vie, de la première cellule vivante à l’être humain si complexe. Il contient également l’héritage physique et psychologique (on ne peut jamais séparer ces deux volets du vivant) des deux lignées parentales.
L’être prénatal, embryon puis fœtus, va inscrire ensuite dans ses cellules le vécu de sa conception et des neuf mois qui fondent en grande partie sa personne future.
La cellule originelle du nouvel être est également porteuse d’un projet de vie complexe qui déploiera une énergie intense pour se réaliser. Aussitôt formée, comme nous l’avons vu, elle signale sa présence et sollicite de l’organisme maternel accueil et protection.
L’embryon engendre, dans l’utérus où il est nidé, les tissus et les organes nécessaires à sa nutrition et à sa protection : le placenta et le cordon ombilical, le liquide amniotique dans lequel il baigne, les membranes qui l’enveloppent. Ses cellules se multiplient à un rythme effréné et chacune d’elles intègre les matériaux et les informations qui lui viennent de la mère et à travers elle du père et de l’environnement. Avec eux, s’édifient les bases du futur enfant : sa santé, se sensorialité, son affectivité, son mode relationnel, ses facultés cognitives, voire sa créativité.
Si la gestation est abandonnée aux aléas de la vie, ces éléments constructeurs seront de plus ou moins bonne qualité.
Au contraire, si les futurs parents sont informés du fait qu’il leur appartient de choisir, sur tous les plans, la qualité des « nourritures » données à l’enfant, celui-ci aura toutes les chances d’être sain, fort, équilibré, ouvert aux autres et à la vie, créatif et capable de répandre autour de lui le bonheur et la paix.
Les futurs parents deviennent ainsi, consciemment, les éducateurs fondamentaux de leur enfant et transforment une grossesse soumise aux incertitudes de la vie en une œuvre créatrice.
Cela, sans aucun artifice, sans rien forcer, en enrichissant leur propre vie et en communiquant avec l’enfant. En lui témoignant beaucoup d’amour, car l’amour est la stimulation la plus puissante qui soit.
Chacun des deux parents sera transformé par cette attitude créatrice basée sur la connaissance des lois de la vie et soutenue par les énergies universelles.
La femme-mère et l’homme-père auront chacun conquis une nouvelle dimension de leur être. Certains nous ont dit avoir connu un formidable développement personnel, une véritable renaissance. Ils nous ont confié également que leur couple avait été consolidé par cette œuvre commune…
… Une magistrale confirmation de l’importance de l’éducation prénatale a été apportée en 2001, à Caracas, au IVe congrès pour l’Education Prénatale, par le généticien américain Bruce Lipton. Il a également ouvert devant ses conséquences incalculables des perspectives qui soulèvent espoir et enthousiasme. Citons-le :
« Selon les apports et les influences du milieu, certains gènes sont activés et d’autres non. L’activation des programmes des gènes est contrôlée par la perception qu’a l’organisme de l’ambiance du milieu.
Les émotions maternelles telles que la peur ou la colère, ou au contraire l’amour ou l’espérance influencent biochimiquement la sélection et la réécriture du code génétique de l’enfant in utero avec des conséquences évolutives très profondes sue les générations futures. Les futurs parents sont de véritables « ingénieurs génétiques ». Il est urgent qu’ils en soient informés ».
… « Ingénieurs génétiques », c’est-à-dire transformateurs des générations à venir.
Soyons conscients que nous sommes dépositaires d’un puissant levier naturel de transformation. Il appartient à l’humanité toute entière. Soyons heureux et fiers de le mettre à la disposition de tous ses membres. Nous en serons nous-mêmes transformés.
Marie-Andrée Bertin, conférencière, formatrice en éducation prénatale Auteur de L’éducation prénatale naturelle – Un espoir pour l’enfant, la famille et la société Editions du Dauphin-2012
1/Edj E. « Estrogen and human Implantation » Human Reproduction. 1995
2/ Kerstin Uvnas Mauberg “Antistress Patterns induced by oxytocin”. 1998
3/ M. Jowit, Childbirth unmasked Ed. Peter Woller. 1993
4/ Dr Claude Imbert, L’avenir se joue avant la naissance, Ed. Visualisation Holistique. 1998